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1000 mondes

 

J’ai sauvé Willy aidé d’un homme sans visage, j’ai monté ce cheval venu de la mer sous le plus grand chapiteau du monde. 

Chez mes grands-parents j’ai bu du coca cola à la vanille devant la télévision et ai voulu rentrer dedans. J’ai été happé par elle.

J’ai été Erin Brockovich, une femme sous influence, un long dimanche de fiançailles.

À Colombes, dans un fauteuil beige, par un soir de tempête, j'ai quitté le lycée pour vivre dans l’écran.

J’ai été Alita avec mon cœur bionique à 120 bpm dans un lieu sans soleil. 

J’ai pleuré dans la salle limougeaude avec tout le monde. En sortant, nous avons formé une longue procession silencieuse. 

Je suis une nuit de rêve, je suis en chute libre, je suis l’inconnu du lac. 

Derrière mon ordinateur j’ai senti qu’on parlait de moi comme j'aurais moi même voulu parler de moi. 

Je suis les roseaux et les bêtes du sud sauvages, Captain America, les amants du pont neuf. 

J’ai fui dans d’autres vies sans regret. En vaisseau spatial, en décapotable, en train direct, en autobus, j’ai sauté la falaise avec elles.

Je suis la somme de ces moments. Je me suis constitué avec tous ces lieux, ces gens,. Je me suis gonflé de toutes ces histoires et j’y ai pris ce que j’ai voulu. 

Je suis le paradis, les rencontres d’après minuit, je suis Bridget Jones, je suis Julie, je suis Julia, Ismaël, Maxence et les Autres, je me fabrique avec le sang des autres, je suis dans ce monde constitué de mille monde, je m’y promène, je parcours ce monde de mille monde avec ces milliers de gens. 

Je me repose dans ce monde, j’y trouve ce que j’y cherche. J’y suis bien, mal, en vie, dans ce monde de mille mondes, dans ce vieux rêve qui bouge.

Reine recluse

 

Assise sur le lit, sous les draps, elle observe le jardin par la fenêtre.

Elle nomme tout. L’oiseau qui passe, la feuille, la mort qui vient sous forme de gel, la mort qui vient sous forme de lettre cernée de noir glissée sous la porte. Elle dit le nom de toutes les choses sur lesquelles son regard se pose. Elle corrige pour mieux nommer. 

 

Elle a la langue absolue,

sait reconnaître chaque mot.

 

Sa fenêtre offre aux murs blancs des nuances, des nuages.

 

Sa porte derrière laquelle tout semble exister doucement, disparaît de l’histoire.

Dans cette pièce à grands carreaux fermés elle écrit toute la journée, elle s’en va. 

Elle aussi, comme d’autres plus tard, est une ennemie des murs.

Rivage 180°

Par un soir de tempête, 

l’entreprise a coulé

et le monde avec elle.

 

Assis devant cette nouvelle plage,

les pieds dans l’eau,

abêtis par l’immensité, par l’horizon

et dans ce calme retrouvé,

nous avons observé face au rayon vert

 

un ballet de poissons d’argent.

Destin

 

Je sors de chez Picard. J’ai dû noter la caissière. Comme sur le site de covoiturage sauf que sur le site de covoiturage ce sont de jolies étoiles et on peut en mettre jusque cinq. Là, chez Picard, c’était plutôt comme à la SNCF : un bonhomme vert si je trouve le service positif, un bonhomme rouge et qui fait la tête pour montrer qu’on refuse de donner un bon point. Est-ce qu’elle est idiote cette caissière ? Est-ce qu’il faut lui montrer avec des bonhommes si elle sait faire son travail que nous on a jamais fait et qu’on doit noter quand même ? Est-ce qu’elle se fait gronder si je choisis le bonhomme rouge ? Est-ce qu’elle gagne une image si je choisis le vert ? Et à la SNCF - qui regarde les réponses des bornes ? Est-ce que quelqu’un va au coin si je choisis le visage tout rouge ? Et le monsieur de SFR que j’ai eu au téléphone. Après j’ai reçu un sms pour me dire de noter le service sur une échelle de 1 à 10. Faut pas être superstitieux. Sous une échelle et par-dessus le marché je ne réponds pas, non pas qu’il m’ait mal renseigné, au contraire. Mais le robot me répond : “Votre conseiller était-il aimable, compréhensible, professionnel ? (note de 0 à 10)”. Ce pouvoir sur cet inconnu au bout d’un fil qui passe sous la mer, ça déglingue. 

Cette histoire pour moi ça vaut rien c’est zéro étoile - tant pis pour le ciel et tant pis pour la lune si elle se retrouve seule.

 

Et le livreur, je lui mets combien d’étoiles ? J’en mets cinq. Mais peut-être que le livreur il danse dans sa salle de bain depuis des années, et il chante super bien, il a un compte instagram peut être et il essaye de percer la nuit avec des vidéos de danse. Peut-être que si je lui mets une seule étoile ça sera lui, seule étoile dans la nuit d’un Broadway à emporter. Il sera une star lui aussi. Il sera viré à cause de ma petite étoile solitaire et il deviendra sa propre petite étoile solitaire. Peut-être. Peut-être que sa vie lui file entre les doigts, ceux de quelqu’un d’autre. Et qu’avec lui là-haut, la lune ne sera plus seule. 

Et sa vie sera une fête. 

On dira partout que le livreur est devenu une étoile. Qu’avec son vélo, il est arrivé vraiment super loin. Qu’avant il était livreur; que maintenant c’est une star, une étoile lumineuse. On dira que c’était son destin, que c’était fait pour advenir. Le livreur sera célèbre pour son histoire de livreur. Pour l’étoile unique que je lui grave sur le Hollywood boulevard d’un soir de solitude.

Pour cette étoile offerte par une nuit d’hiver. 

Champagne !

Océan pacifiste


 

Nous prenons les armes

Pour faire taire

Cet enfant

Qui coupe la vie en deux.

Ce sont les mots qui parlent de nous.

 

C’est qu’en fait notre espoir disparaît avec la buée sur les vitres.

C’est qu’en fait il est furtif et sauvage, il est fugace et volatile.

Notre espoir se couche dans le chant des manifestantes

Et dans les démissions des canards cols blancs.

 

Notre espoir ne meurt pas avec l’automne et ses feuilles ne tombent pas,

Éternellement vivaces et 

Pas caducs

Pour un sou.

 

J’ai mis

De l’huile sur mes poils

Pour au soleil

Le faire revenir.

 

Je le connais bien,

Et

Tout chez lui

Crie

Touchez moi.

Les rues de l’enfance

Sont des décors

Que nous traversons

Et dont nous brûlons les murs sur notre passage.

Nous avons été spectateurs

Et nous voilà

Au centre.

Un enfant

Nous lui prenons la main et

Nous la serrons trop fort

Comme pour le punir

Quand il croit qu’on le console.

De ses larmes naissent des fleurs

Dont nous disperserons les graines

Au printemps.

Nous gagnons la bataille,

navale.

On surfe sur ses pleurs.

Et, 

dans le creux d’une vague, 

Nous prenons les armes.

Septembre

Septembre

Et nous longeons

En voiture

Les murs de béton.

 

Ce soir devant la porte,

Assis sur les marches,

Nous mangerons des burgers au coucher du soleil

Et nous sentirons

Que les vacances,

Du bout d’un doigt graissé,

Touchent à leur fin.

Canal Lacrymal

 

Canal lacrymal et bras ouverts

On accueille le printemps.

Au jardin, la larve de hanneton sort de terre 

Et mange les pissenlits par la racine.

 

Donnée éternelle pour l’instant : le soleil se lève toujours.

Tous les jours.

 

La suie de la nuit se disperse et s’efface.

Une grande bouffée d’air et mille projets en cours.

Une sorte de vapeur sur les vitres, 

Quand on fait du ménage elle coule sur les plantes aux bords des fenêtres.

 

Comme les gens dans la rue sont uniques.

Autant de visages que de chewing gum collés sur nos sols

On leur fait signe de la main et ils se dépêchent de répondre.

En deux temps, ils lèvent le bras, ouvrent la paume et remuent la main comme pour effacer les traces sur nos carreaux.

Merci. 

La cage de la langue 

La cage de la langue est la plus étroite et la plus solide de toutes.

Elle se resserre parfois et se détend en claquement de doigts comme les lèvres qui renferment les dents et les cachent à la vue.

 

La cage de la langue est grande et multiple et plus on veut la quitter plus elle s'agrandit jusqu'à se contenir elle même poubelle géante décharge à ciel ouverte et caverne magique et cadeaux sous le sapin au matin elle inspire et expire avec nous toutes et tous dans un élan haleine et par la mâchoire qui écrase ou libère. 

 

La cage de la langue n'existe pas si nous la taisons c'est un jardin d'hiver on a cru à une cage à cause du fer forgé mais c'est une véranda on a cru à une cage mais c'est un étendoir à linge et il sèche au vent dessus et emporte sur le monde ses odeurs de lavande qui font le tour de la terre dans le séchoir centrifuge de l'atmosphère et la langue se libère par l'odeur de lavande qui plane.

 

La cage de langue est la plus vicieuse des cages car elles nous fabrique inséparables perruches et nos pioupious sont des sons vains et le salut qui vient n'est qu'un silencieux bruit non parole et non vocabulaire et le bruit n'est rien d'autre qu'un son jugé sale et pourtant la langue le délie et l'autorise dans sa bonté involontaire et elle le met à manger dans la bouche qui le tue et le tait pour jamais.

 

Nous écrirons nos poèmes hors cage et 

 

nous n’aurons pour seule richesse que la rime pauvre.

Nous sommes 

Nous sommes dans le lieu commun de la langue

 

Ils voulaient le voler c’est raté nous l’avons.

 

Nous reformulerons nos bateaux pour voyager dessus et nous retrouver toutes et tous ensemble dans le lieu commun de la langue, celui qui dit les plus belles choses.

Si ça n’est pas assez nous en créerons d’autres encore, plus gros, plus énormes, pour les vagues à venir et plus poussés par l’espoir pour les mers d’huile et le calme d’après nos tempêtes.

 

Ils ne l’ont pas pris c’est raté nous l’avons.

 

Avec le dessous de la langue et la bave nous lavons ce pas pris et babillons ensemble pour fabriquer le mieux le meilleur le plus doux.

Nous avons détruit le langage de l’état pour l’offrir à l’air libre, aux rivières qui s’en vont. Il se minéralise en passant sous la roche avec elles et de l’autre côté de la montagne nous le buvons à la source toutes et tous à genoux.

 

Nous parlons parlons pour ne jamais mourir et nous nous rendons invincibles et nous pouvons tout vaincre même le feu même l’orage qui n’existent pas si nous nous refusons à les nommer enfin.

Tours du Babil 

Tours du babil

Pour liberal babies

Et aussi 1000 fenêtres

Avec vue sur la rainforest et les reflets des gratte ciels sur d’anciens marécages

 

On est dans du nourricier

Dedans les gens

Vivent dedans

 

Toutes et tous si seules et si seuls et les uns et les unes sur les autres d’étages en étages

Et plus ça monte

Plus ça peut viser loin l’horizon par le hublot

 

On dit qu’on veut être à l’étage le plus haut pour montrer qu’on a réussi.

C’est mentir.

On veut être à l’étage le plus haut pour regarder les arbres au loin, 

Et,

Doucement,

Par la vitre entrouverte,

Apercevoir la terre qui promet l’échappée depuis le haut d’une tour libre échange et vitres en verre dans les catalogues de skyline Manhattan et olive 

sur le cocktail

 

Cosmopolitain.

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